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UBERISATION : STOP OU ENCORE ?

La Cour de cassation a reconnu l’existence d’un lien de subordination entre une société de livraison de repas et l’un de ses coursiers à vélo. Cette décision pourrait avoir des conséquences très importantes pour l’ensemble du secteur.


Dans un arrêt du 28 novembre 2018 (Cass. Soc., 28 nov. 2018, n°17-20079), la Cour de cassation a reconnu l’existence d’un lien de subordination entre la société de livraison de repas Take Eat Easy et un coursier à vélo.


Le Conseil de prud’hommes et la Cour d’appel de Paris s’étaient déclarés incompétents, considérant notamment que « le coursier n’était lié à la plateforme numérique par aucun lien d’exclusivité ou de non-concurrence et qu’il restait libre chaque semaine de déterminer lui-même les plages horaires au cours desquelles il souhaitait travailler ou de n’en sélectionner aucune s’il ne souhaitait pas travailler ».


Jusqu’à présent, les juridictions devant lesquelles la question s’était posée avaient toutes adoptées cette position, refusant de requalifier les contrats de prestation de service qui lient les entreprises de livraison et les coursiers en contrats de travail.


Géolocalisation et sanctions financières, deux critères de subordination


La Cour de cassation a au contraire reconnu l’existence d’un lien de subordination entre la société et le coursier, caractéristique de la relation de travail.


Au visa de l’article L. 8221-6 du Code du travail, la Cour a décidé que l’existence d’un lien de subordination était caractérisée dès lors que « l’application était dotée d’un système de géolocalisation permettant le suivi en temps réel par la société de la position du coursier et la comptabilisation du nombre total de kilomètres parcourus par celui-ci [et] que la société disposait d’un pouvoir de sanction à l’égard du coursier. »


Par cette formulation, la Cour de cassation semble avoir voulu donner une portée générale à son arrêt, publié au Bulletin.


Ainsi, les juges rappellent expressément les critères habituels du lien de subordination, qui s’entend de « l’exécution d’un travail sous l’autorité d’un employeur qui a le pouvoir de donner des ordres et des directives, d’en contrôler l’exécution et de sanctionner les manquements de son subordonné ».


Le raisonnement juridique adopté par la Cour est donc, somme toute, assez classique. C’est l’existence de moyens de contrôle et d’un pouvoir de sanction de l’employeur qui caractérise le lien de subordination propre au contrat de travail.


En réalité, la nouveauté réside dans le fait que ce raisonnement est appliqué à la relation plateforme-coursier. La Cour de cassation fait donc le choix de ne pas infléchir les fondements du droit du travail pour l’adapter aux travailleurs des plateformes, mais d’intégrer ces travailleurs dans les cadres juridiques préexistants.


Quoiqu’il en soit, cet arrêt pourrait ouvrir la possibilité pour les coursiers, chauffeurs et autres autoentrepreneurs exerçant exclusivement leur activité via des plateformes de se voir reconnaître le statut de salariés.


La fin d’Uber et de Deliveroo ?


Les plateformes comme Deliveroo ou Uber, dont l’activité repose sur le recours à des contrats de prestations de services avec des autoentrepreneurs, doivent-elles pour autant revoir leur modèle économique ?


A la lecture de l’arrêt, on comprend que la Haute juridiction a fondé sa décision sur deux critères : la géolocalisation en temps réel des coursiers, caractérisant un pouvoir de contrôle de la société, et le système de malus financiers pénalisant les livreurs en cas de manquements (par exemple le refus de prendre une course), signe d’un pouvoir de sanction normalement réservé à l’employeur.


S’agissant des malus financiers, les entreprises du secteur pourraient renoncer à leur batterie de sanctions, encourageant simplement les coursiers « méritants » par le biais de primes. Pour les livreurs les moins performants, les plateformes se contenteraient de mettre fin à la relation contractuelle, comme avec n’importe quel prestataire de service n’apportant pas satisfaction.

Il n’en demeure pas moins qu’un tel système d’incitations « positives » pourrait tout autant être assimilé par le juge au pouvoir de sanction propre à l’employeur.

Le critère de la géolocalisation paraît plus décisif encore. C’est en effet une fonctionnalité essentielle au bon fonctionnement de plateformes comme Deliveroo ou Uber, qui affectent précisément une course en fonction de la position géographique des chauffeurs et des coursiers.


Si ces entreprises devaient y renoncer, on voit mal comment elles pourraient assurer la même qualité de service, et donc garantir leur survie.


Il faudra donc attendre que cette jurisprudence soit confirmée pour en tirer des conclusions claires.


Quoi qu’il en soit, les difficultés rencontrées par les travailleurs de l’économie de plateforme restent prégnantes, notamment en matière de protection sociale. Rappelons que la liquidation judiciaire de Take Eat Easy, en août 2016, a conduit ses 2500 coursiers à se retrouver sans activité, du jour au lendemain.


10 décembre 2018

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